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Essais à haute température pour les composites à matrice céramique

Capture D’écran 2020 04 10 À 11.14.42

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En tant que nouveau membre de l’équipe EikoSim, on m’a offert l’opportunité de présenter un aperçu de mes travaux de thèse traitant des essais à haute température pour les composites SiC/SiC, qui a été réalisée au LMT sous la direction de F. Hild et en collaboration avec Safran Ceramics sous la supervision de V. Herb et B. Lacombe.

Crédits : Myriam Berny, ingénieure R&D, Doctorante.


Safran Ceramics s’efforce d’accroître ses compétences techniques en matière d’analyse et de compréhension du comportement thermomécanique des composites à matrice céramique (CMC) revêtus et non revêtus pour les applications de moteurs à turbine à gaz. Des expériences réalisées dans des conditions de service plus représentatives des moteurs sont nécessaires pour atteindre cet objectif. Ainsi, il est nécessaire de réaliser des essais à haute température (c-à-d. supérieure à 1 300°C) sur des échantillons soumis à un chargement thermique 3D intense et multi-instrumentés par des caméras infrarouge et à lumière visible (Fig. 1) afin de contrôler les conditions aux limites thermiques et cinématiques et comprendre le comportement du matériau. Ainsi, l’objectif de ma thèse était de développer différentes procédures pour identifier le comportement thermomécanique de matériaux CMC à des températures élevées, en utilisant des mesures de champs thermiques et cinématiques et des stratégies de dialogue essais / calculs par éléments finis (EF).

Fig1 FR
Fig.1 – Expérience multi-instrumentée sur un composite SiC/SiC soumis à des gradients thermiques obtenus avec un faisceau laser au CO2 (collaboration avec T. Archer, P. Beauchêne et A. Mavel (ONERA)).

Les expériences à haute température sur les composites BNMI-SiC/SiC présentent différents défis. Tout d’abord, le matériau est caractérisé par de faibles niveaux de déformation (c-à-d. moins de 0,1 % dans le domaine élastique) et un comportement hétérogène, ce qui implique d’utiliser des techniques de mesure de champs permettant de suivre la réponse thermomécanique et de mesurer de petites amplitudes de déplacement. Ces exigences conduisent à l’utilisation de la thermographie infrarouge et des méthodes de corrélation et stéréocorrélation d’image numérique, basées sur des caméras travaillant en infrarouge et en lumière visible. Cependant, les températures élevées induisent plusieurs défis supplémentaires tels que le rayonnement de corps noirs et des mouvements convectifs de l’air environnant qui sont particulièrement préjudiciables aux mesures par CIN. Ainsi, les analyses de CIN à haute température nécessitent des stratégies spécifiques pour tenir compte des variations des niveaux de gris et atténuer l’effet de brume de chaleur qui déforme les images et nuit aux mesures de déplacement.

Pour identifier les propriétés des CMC à partir d’images acquises dans un environnement aussi difficile, plusieurs étapes ont été suivies. Tout d’abord, la relation entre les mesures acquises à partir d’images 2D et les champs thermomécaniques calculés provenant de simulations 3D par éléments finis a été établie. Deux procédures ont été proposées pour étalonner les différentes caméras utilisées dans les expériences (c-à-d. les matrices de projection). D’une part, l’étalonnage d’une seule caméra IR a été mis en œuvre sur la base d’une méthode d’auto-étalonnage. D’autre part, l’étalonnage d’un système stéréoscopique a été réalisé via une approche globale de stéréocorrélation, en utilisant une mire d’étalonnage in-situ mouchetée (conçue spécifiquement pour le banc d’essai), dont le modèle EF de surface est parfaitement connu, et une seule paire d’images. Les différentes procédures d’étalonnage, qui sont proposées par EikoSim dans EikoTwin DIC pour les caméras à lumière visible et dans un add-on thermique pour les caméras IR, ont ainsi permis d’obtenir des mesures lagrangiennes des champs thermomécaniques. En outre, elles ont permis d’évaluer de potentiels déplacements de faible amplitude (par exemple, 2 µm pour la composante longitudinale) à température ambiante, ce qui est une condition nécessaire pour l’analyse du comportement mécanique des CMC.

Après avoir étalonné les caméras, les champs thermomécaniques à haute température ont été étudiés afin d’évaluer la capacité de mesurer des températures et des déplacements fiables malgré les effets de convection. Des fluctuations spatio-temporelles significatives dues à la brume de chaleur ont ainsi été mises en évidence, dégradant la mesure des champs de déplacements propres au CMC étudié. Des analyses modales ont été effectuées sur les champs de température pour évaluer les contributions des différents phénomènes (c-à-d. la chauffe laser, les effets convectifs et le bruit d’acquisition) et établir les niveaux d’incertitude thermique et les matrices de covariance pour les caméras IR utilisées dans cette étude. En outre, des analyses quantitatives ont été menées pour caractériser l’effet de la brume de chaleur et ses conséquences sur la qualité des mesures de déplacement en termes de fluctuations (c-à-d. des augmentations significatives).

Ces observations ont conduit à la conclusion que des stratégies de régularisation spatio-temporelle dédiées sont nécessaires pour faire face au niveau élevé de fluctuations des déplacements surfaciques 2D et 3D mesurés respectivement par CIN 2D et par stéréocorrélation utilisant des paramétrisation spatiale par éléments finis (stéréocorrélation EF). De telles procédures ont été appliquées à plusieurs expériences à haute température sur des éprouvettes de CMC. Le point commun des algorithmes de CIN et stéréocorrélation EF globales spatio-temporelles développés est la décomposition modale des champs cinématiques paramétrisés avec des variables spatiales et temporelles séparées (c-à-d. des fonctions de forme temporelle et spatiale). En ce qui concerne la CIN 2D spatio-temporelle, deux implémentations ont été étudiées en fonction de la paramétrisation temporelle choisie, à savoir une paramétrisation a priori et une construction « à la volée » de la base modale via une approche Proper Generalised Decomposition (PGD). Cette dernière a en outre été étendue pour traiter les corrections spatiotemporelles de brillance et contraste, qui sont nécessaires pour corriger l’effet des radiations de corps noirs qui se produisent à des températures élevées. En outre, une procédure de débruitage de l’image de référence a été proposée. La régularisation spatio-temporelle a également été développée pour la stéréocorrélation EF par des modifications minimes, grâce à des bases temporelles appropriées, une décomposition modale et une implémentation non intrusive. Ces stratégies ont été appliquées à l’analyse de grandes séries d’images et se sont révélées efficaces pour atténuer les effets parasites de la brume de chaleur (Fig. 2, Fig. 3).

Fig.2 – Effet de la stéréocorrélation spatio-temporelle sur la mesure des déplacements nodaux hors-plan, par la comparaison des approches (a) instantanée et (b) spatiotemporelle.
Fig.3 – Champ de déplacement nodal hors-plan à 1 300 °C (soit l’image n° 1 200) mesuré par (a) stéréocorrélation EF instantanée et (b) spatiotemporelle.

Ainsi, des champs de déplacement 2D et 3D cohérents et fiables ont été mesurés sur les surfaces de CMC à des températures supérieures à 1 300 °C, avec des fluctuations temporelles et spatiales réduites qui ont atteint un niveau très faible. Ce niveau apparaît par ailleurs bien inférieur à celui permis par l’ajout d’un ventilateur sur le dispositif d’essai, qui est couramment utilisé dans la littérature pour mitiger les courant convectifs. Par conséquent, le cadre spatio-temporel semble avantageux pour les analyses de CIN sur les CMC à très hautes températures.

La dernière étape de ce travail de recherche a été le développement d’un algorithme d’identification générique basé sur des fonctionnelles pondérées de température et cinématiques (appelé FEMU-TU pondéré), utilisant un cadre proche de celui proposé dans EikoTwin Digital Twin pour les données cinématiques et de force. La FEMU-TU pondérée est basée sur les mesures de champs de températures et déplacements (surfacique 2D / 3D) et tient compte dans sa formulation des incertitudes de mesure (par le biais de matrices de covariance) pour identifier les conditions aux limites thermiques et les propriétés thermomécaniques des composites SiC/SiC sous un chargement thermique 3D sévère. Les bases spatiales et temporelles de mesure étant choisies comme référence, les champs calculés par EF et les sensibilités ont été projetés sur ces bases, en utilisant notamment les matrices de projection issues de l’étalonnage. Ainsi, les champs thermomécaniques mesurés et calculés ont été « correctement » comparés. En outre, des champs de déplacement régularisés ont été utilisés grâce aux stratégies spatio-temporelles mises en place pour minimiser l’effet de la brume de chaleur. Enfin, l’identification des paramètres thermiques et thermomécaniques a été effectué conformément aux incertitudes de mesure, regroupées dans les matrices de covariance thermique et cinématique. En combinant toutes ces procédures, l’identification des paramètres recherchés a été réalisée avec des résultats très satisfaisants pour chacune des quatre expériences analysées. En particulier, le succès de l’identification sur ces expériences a été mis en évidence par le faible niveau des résidus (c-à-d. la différence entre les champs mesurés et calculés) thermiques (Fig. 4) et cinématiques par rapport aux fluctuations de mesure et au bruit d’acquisition.

Fig.4 – (a) Champ de température stabilisée et (b) champ des résidus thermiques à la fin d’une procédure de FEMU-TU. (c) Evolution des températures mesurées et calculées pour cinq points de l’échantillon dont les emplacements sont indiqués en (a).

Conclusion

Pour conclure, une procédure complète et robuste a été mise au point pour traiter les essais à haute température sur les CMC, depuis les mesures jusqu’à l’identification des propriétés thermomécaniques. Ces développements ont été réalisés pour réduire l’effet des températures élevées et augmenter la fiabilité des mesures thermiques et cinématiques, afin que l’identification des paramètres soit effectuée avec un impact réduit des fluctuations de mesure. Ces précautions ont conduit à une évaluation plus fiable de la réponse thermomécanique des composites SiC/SiC testés à haute température.

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